John Nada, un ouvrier au chômage, arrive de Denver à Los Angeles en vue de chercher un emploi. Il trouve un emploi précaire dans un chantier, se voit malgré tout dans l’obligation de loger dans un bidonville, et fait la connaissance de Franck qui devient son ami. Rapidement, John remarque des activités incessantes et bien mystérieuses dans une église. Mais une nuit, les forces de l’ordre envahissent brutalement la chapelle et détruisent tout sur leur passage, sans raison apparente. Intrigué, John remarque le lendemain un carton de lunettes de soleil dissimulé derrière un mur ayant échappé à la vigilance des forces de police. Après les avoir posées sur ses yeux, ce qu’il découvre le stupéfie. Une partie de la population est composée d'extra-terrestres que l’on ne peut distinguer que grâce à ces lunettes et des messages subliminaux sous forme de panneaux publicitaires contrôlent la population.
Voici enfin l’un des meilleurs films de John Carpenter. Le rythme lent, la musique lancinante instaurent un climat pesant. Conçu presque comme un documentaire dès le début, c’est un témoignage sur l’ère "Reagan", quand les valeurs de la droite, du capitalisme, étaient affichées avec excès. Pourtant, l’œil de John Carpenter nous place du coté des opprimés, des exclus que la société écarte. Ainsi, John Nada, le héros, n’est pas épargné, c’est un loser, un marginal, presque un clochard. Sans domicile fixe, sans travail et son prénom est celui d’un anonyme dans la foule, que l’on ne remarque pas. Brillamment interprété par Rody Piper, ex-star du catch, le héros est un personnage optimiste tout du moins au début du film. Il croit en son pays, à ses valeurs, mais la réalité qu’il va découvrir va le clouer sur place jusqu’à ce qu’il décide de se battre seul ou presque contre le reste du monde. Il devient alors sage, ironique, se révolte et son opinion n’est plus aussi tranchée.
La scène culte, incontestablement, c’est la rixe opposant Franck et John. D’une durée très longue (7 minutes tout de même), comme la lenteur qui s’exerce dans la première partie du film, c’est aussi le déclencheur qui va conduire les héros à modifier leur comportement et à aller de l’avant. Comme s’il s’agissait d’une étape transitoire, comme si le fait de devenir un privilégié pour pouvoir « voir » le vrai monde devait passer par le fait d’un rite, le duel opposant les deux protagonistes va se révéler extrêmement violent, en attesteront leurs blessures aux visages. C'est aussi la scène chiante par excellence car dans le style du
"Je veux que tu mettes les lunettes !
- Non je ne les mettrai pas"
on a rarement fait mieux !
John Carpenter n’a d’ailleurs pas choisi Rody Piper pour rien, ses compétences athlétiques en attestent et c’est une baston d’hommes à
laquelle il nous est donné d’assister. Pas de kung-fu, mais de vrais coups de poings, de vraies prises de catch qui auront nécessité un travail d’un mois et demi pour cette fameuse bagarre aux coups réels portés. Cette scène clé déclenchera un retournement de situation important puisque maintenant les deux hommes "verront".
L’esclave deviendra libre. Il est intéressant de noter que l'histoire de Matrix
suit la même trame que celle de "Invasion Los Angeles"
Saluons la brillante collaboration entre les Cahiers du Cinéma et le Studio Canal Plus qui proposent un dvd bourré de bonus, mais également
un livret du film de 80 pages. Pour cette sortie dvd, le cinéaste et l’ancien
catcheur ne s’étaient pas revu depuis 12 ans et le plaisir qu’ils ont à se
retrouver est sincère. Les petites vannes fusent, les explications sur le film
sont convaincantes. John Carpenter est un cinéaste qui a tout compris, et même s’il adore son pays, il reste lucide. Comme il le dit lui-même, "J’aime Los Angeles…", "Mon film est une révolte contre la gauche, la droite, la censure et le politiquement correct, mais dissimulé sous l’apparence d’un divertissement fantastique…", "J’adore mon pays. Je ne voudrais pas vivre ailleurs. Mais je ne peux m'empêcher de le critiquer"… Regard lucide d’un homme qui a ouvert les yeux, à la manière de John Nada lorsqu’il découvre le véritable monde qui l’entoure. Ne pas être dans le moule... "Invasion Los Angeles" ne serait-il pas une métaphore sur la vie de ce cinéaste indépendant qui a refusé de se fondre dans la masse